Lors de la séance plénière du mercredi 12 juillet 2023, le Parlement européen s’est prononcé à une très faible majorité en faveur du projet de loi de restauration de la nature.
Après l’échec du vote en Commission Environnement, les parlementaires européens devaient se prononcer en premier lieu sur le rejet de la proposition dans sa globalité (sur ce point ils ont voté contre également à une très faible majorité), puis sur la série d’amendements déposés.
Pour rappel, cette proposition de loi fait partie intégrante du Pacte vert européen. Elle a été présentée le 22 juin 2022 (cf. notre article) et constitue le « bras armé » de la stratégie européenne en matière de biodiversité à l’horizon 2030.
Restauration de la nature et des écosystèmes urbains
La proposition de règlement sur la restauration de la nature a pour objectifs de réparer les 80 % d'habitats européens qui sont en mauvais état et de ramener la nature dans tous les écosystèmes, depuis les forêts et les terres agricoles jusqu'aux écosystèmes marins, d'eaux douces et urbains. Elle fixe des objectifs juridiquement contraignants en matière de restauration de la nature dans différents écosystèmes qui s'appliqueront à chaque État membre, en complément de la législation existante (les directives oiseaux et habitats, la directive cadre sur l’eau etc…) dont elle renforce les obligations et le calendrier de mise en œuvre.
Ainsi, l’article 6 du projet de règlement consacré à la restauration des écosystèmes urbains fixe l’objectif d’aucune perte nette d'espaces verts et couverts arborés urbains d'ici à 2030 en comparaison avec 2021, une augmentation de la surface total nationale d’espaces verts dans les villes et zones urbaines de 5 % d'ici à 2050 (avec un objectif intermédiaire de 3 % en 2040), un minimum de 10 % de couvert arboré dans chaque agglomération, ville et banlieue d'Europe, et un gain net d'espaces verts qui seront intégrés dans les bâtiments et les infrastructures.
L’enjeu réside notamment dans la définition précise de ce que sont les écosystèmes urbains, mais aussi les espaces verts.
Des objectifs concernent également les écosystèmes agricoles, forestiers, les habitats marins ou encore les cours d’eau.
L'objectif est de couvrir au moins 20 % des zones terrestres et marines de l'UE d'ici à 2030 par des mesures de restauration de la nature et, d'ici à 2050, d'étendre ces mesures à tous les écosystèmes qui doivent être restaurés.
La proposition définit également un cadre de mise en œuvre visant à traduire les objectifs en actions, et prévoit la définition et la mise en œuvre de plans nationaux de restauration en collaboration avec les parties prenantes et le public (cf. article 10 et 11). Ces plans devront être élaborés dans les deux années qui suivent l’entrée en vigueur du règlement. Ils doivent inclure une évaluation financière des mesures envisagées pour répondre aux obligations de restauration de la nature.
Le vote favorable du Parlement européen ouvre la voie à la poursuite des négociations avec le Conseil qui avait adopté sa position sur ce texte en juin dernier.
Les principales modifications souhaitées par le Conseil ont été reprises par la Parlement européen. Elles visent à donner aux Etats membres plus de souplesse dans la mise en œuvre des dispositions. Par exemple, en ce qui concerne les écosystèmes urbains, le Conseil a remplacé les objectifs quantitatifs par l'obligation pour les États membres d'obtenir une tendance à la hausse dans les espaces verts urbains jusqu'à ce qu'un niveau satisfaisant soit atteint. Le Conseil a conservé l'exigence d'absence de perte nette, qui prévoit qu'il n'y ait pas de perte nette des espaces verts urbains ni du couvert arboré urbain d'ici à 2030, par rapport à la date d'entrée en vigueur du règlement, à moins que la part des espaces verts dans les écosystèmes urbains ne dépasse déjà 45 %.
Parmi les amendements adoptés par le Parlement européen, Il est précisé que la loi ne s'appliquera que lorsque la Commission aura fourni des données sur les conditions requises pour garantir la sécurité alimentaire à long terme et que les pays de l'UE auront quantifié la superficie à restaurer pour atteindre les objectifs de restauration pour chaque type d'habitat.
Le Parlement prévoit également la possibilité de reporter les objectifs en cas de conséquences socio-économiques exceptionnelles.
Les obligations relatives à la définition et à la mise en œuvre de plans nationaux de restauration ont également été assouplies.
En outre, le Conseil a introduit une nouvelle disposition par laquelle la Commission est invitée à présenter, un an après l'entrée en vigueur du règlement, un rapport contenant une vue d'ensemble des ressources financières disponibles au niveau de l'UE, une évaluation des besoins de financement pour la mise en œuvre, ainsi qu'une analyse visant à recenser tout déficit de financement. Ce rapport contiendrait également des propositions adéquates, le cas échéant, sans préjudice du prochain cadre financier pluriannuel (2028-2034).
La question du financement des politiques liées à la protection et à la restauration de la nature, tant sur le plan des investissements, que de l’ingénierie et de l’animation reste posée. En effet, dans la stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 la Commission européenne indiquait que l’action en faveur de la biodiversité nécessite au moins 20 milliards d’euros de financements par an provenant des financements privés et publics au niveau national et au niveau de l’UE.
Les coûts estimés par les objectifs fixés par les nouvelles propositions oscillent entre 5,9 milliards et 8 milliards d’euros sur la période 2022-2030. Il s’agit d’une estimation basse qui ne comprend pas l’ensemble des écosystèmes et qui doit prendre en compte la diversité des situations des Etats membres.
Dans cette perspective, le budget de l’UE constitue une composante importante mais pas suffisante dans la mesure où le cadre financier pluriannuel pour 2021-2027 prévoit de consacrer 7,5 % à partir de 2024 et 10 % à partir de 2026 à des dépenses dans ce domaine. Ce sont ainsi au travers de différents fonds (Feder, Feader, Feampa), programmes (Life) et politiques (Pac) quelques 100 milliards d’euros qui devraient y être consacrés.
Ce vote du parlement européen ouvre désormais la voie aux négociations en trilogue avec le Conseil et la Commission européenne en vue de dégager une position commune sur ce texte emblématique du pacte vert européen.